Un copropriétaire a transformé un lot cave à un usage d’habitation ou souhaite le faire !
En copropriété, s'agissant d'une partie privative considérée comme un lot accessoire au lot principal, le propriétaire en a l'usage exclusif. Tant que la cave n'est pas utilisée à des fins d'habitation, mais réservée à un usage de cave à vin, ou de rangement, son propriétaire peut librement la rénover, l'aménager et modifier la disposition des lieux comme bon lui semble, dès lors qu'il ne touche pas à une partie commune (mur porteur, canalisation, sous-sol...).
Ce qui ne veut pas dire qu'il peut, pour autant, en disposer à sa guise. A fortiori si l'aménagement conditionne une emprise sur une partie commune, propriété indivise de tous les copropriétaires. Et ce n’est pas l’unique contrainte dont il va falloir tenir compte...
Respecter le règlement sanitaire départemental
Une première vérification s'impose lorsqu'on envisage un changement de destination d'une cave pour l'affecter à un usage d'habitation: consulter en mairie le règlement sanitaire départemental, élaboré par le préfet. Il institue un certain nombre de dispositions particulières, dictées notamment par des considérations d'hygiène et de salubrité publique, venant étoffer celles déjà énoncées par le Code de la santé publique. Sachant que ce dernier interdit que soient «mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation» (art. 1331-22). Une disposition destinée initialement à sanctionner pénalement les propriétaires qui auraient l'indélicatesse de loger un tiers — employé de maison, locataires... — dans leur cave.
Elle n'interdit donc pas, sur le fond, l'aménagement de ce local en vue d'un usage personnel mais empêchent, par le biais du règlement sanitaire, toute transformation d'une cave en lieu de vie. Le règlement peut en outre, lorsque cette transformation est autorisée, renfermer des contraintes draconiennes en matière de superficie, d'éclairage, d'ouverture, de ventilation, etc., le plus souvent méconnues ou superbement ignorées des copropriétaires. En tout état de cause, il sera plus difficile de mener à bien son projet s'il vise à transformer la cave en une pièce principale de vie (chambre ou séjour), et ce, même en vue d'un usage personnel.
Respecter le règlement de copropriété
Avant de se lancer dans ces travaux qui auront pour conséquence un changement d'affectation, il faut examiner soigneusement ce que prescrit le règlement de copropriété. Ce dernier peut affecter les lots en sous-sol désignés comme «caves» à cet usage exclusif, par opposition aux autres lots de l'immeuble réservés à l'habitation. Il sera dans ce cas impossible de leur donner une affectation différente. Dans l'hypothèse où le règlement de copropriété reste muet quant à l'usage des caves, les tribunaux ont tendance à admettre leur utilisation comme locaux annexes de logements si cela ne s'avère pas contraire à la destination de l'immeuble à usage d'habitation et ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires (art. 9 de la loi du 10 juillet 1965). Les juges ont ainsi admis à plusieurs reprises la transformation, conforme à la destination de l'immeuble, d'une cave contiguë à un appartement situé en rez-de-chaussée en pièce d'habitation. À usage de salle de bains, par exemple (CA de Paris, 23e ch. sect. A, 5 juillet 1995). Inversement, dans un immeuble à usage exclusif d'habitation bourgeoise, il est inenvisageable d'affecter une cave à un usage professionnel (pour y installer un cabinet d'architecte, par exemple), car cela serait contraire à la destination de l'immeuble.
Encore faut-il que la cave à aménager soit à proprement parler habitable.
Parmi les paramètres pris en considération à cet égard, la configuration des lieux est primordiale: la présence d'un éclairage naturel apporté par des ouvertures, simples soupiraux, ou vraies fenêtres si l'on est en présence d'une cour anglaise, est un facteur favorable. Il en est de même de l'usage qui a été fait jusqu'alors de la cave. La transformation en appartement de deux caves pourvues d’ouvertures donnant sur la rue, affectées depuis longtemps à un usage d'habitation comme loge de concierge et équipées de l'eau et de l'électricité, ne contredit ainsi ni la destination de l'immeuble, ni l’affectation des parties privatives, telle que prévue au règlement de copropriété (CA de Toulouse, Ire ch. sect. 1,7 mars 2005). A contrario, si les caractéristiques physiques du lot, au regard des normes minimales d'hygiène et de confort auxquelles doit répondre un local d'habitation dans un immeuble à destination essentiellement bourgeoise, ne permettent pas un autre usage que celui de cave, tout changement d’affectation est banni (Cass. civ. 3e, 3 juillet 1996, n° P 94-18.167)..
Nouveau lot
Si le règlement de copropriété peut régir le changement d'affectation de la cave, il ne peut en revanche s’opposer à certaines opérations qui rendent celui- ci possible. Par exemple, l’échange de caves, permettant à un propriétaire du rez-de-chaussée d'utiliser celle située sous son lot, et non la sienne d'origine, pour s'agrandir ; ou encore, l'achat d'une seconde cave contiguë à la sienne. De telles opérations soulèvent toutefois une difficulté juridique: dans bon nombre d'immeubles anciens, appartement et cave sont souvent décrits par le règlement de copropriété comme constituant un seul et même lot. Avant de pouvoir acheter ou échanger une cave, il va donc falloir au préalable recalculer les tantièmes respectifs du lot principal (l'appartement) et des lots annexes (les caves) et, lorsqu'il s'agit d'une transaction, leur affecter un prix. Une nouvelle répartition qu'il faudra faire entériner a posteriori par une assemblée se prononçant à la majorité absolue de l'article 25, puis matérialiser par un modificatif au règlement de copropriété et à l'état descriptif de division.
Par la suite, si le nouveau lot ainsi constitué par l’appartement et la ou les caves transformée(s) en pièce d'habitation, est mis en vente, il devra faire l'objet d'un mesurage répondant aux conditions de la loi Carrez (art. 46 de la loi du 10 juillet 1965) en tant qu'unité d'habitation. En effet, si une cave affectée à ce seul usage est exclue, comme lot annexe, de l'obligation de mesurage, il n’en est plus de même lorsqu'elle devient habitable. La Cour de cassation l'a rappelé sans détours, s'agissant d'une cave d'une superficie de 20 m2 et d'une hauteur supérieure à 1,80 mètre: dès lors que les travaux de transformation ont été dûment autorisés, le propriétaire peut inclure cette nouvelle superficie créée dans le mesurage de son lot (Cass. civ. 3e, 5 décembre 2007, n° Z 06-19 550).
Morceau de couloir
L'assemblée générale peut être appelée à donner son autorisation si certaines modifications induites par l'aménagement de la cave impliquent les parties communes. Premier cas de figure: non contiguë au lot principal, la cave ne peut lui être rattachée qu'après annexion d'un morceau de couloir. Propriété du syndicat des copropriétaires, la décision de vendre ce dernier appartient exclusivement à l'assemblée générale, nonobstant la présence, possible, d'une clause dite «de fond de couloir» dans le règlement de copropriété, cette clause étant illicite. Le vote doit avoir lieu à la double majorité de l'article 26, s'agissant d'une aliénation de partie commune. Le dossier présenté par le demandeur devra comporter un plan coté, le décompte des nouveaux tantièmes résultant de l'annexion (le recours à un géomètre-expert sera précieux pour cette partie du dossier) et, bien sûr, une offre de prix. Laquelle aura plus de chances d'être acceptée si elle est très généreuse.
Droit de creuser
Deuxième cas de figure: la cave s'avérant basse de plafond, ce qui est le cas la plupart du temps dans les immeubles anciens, il peut s'avérer indispensable de creuser le sol pour l'aménager en pièce à vivre. Les caves sont en effet considérées comme non aménageables au regard du droit de l'urbanisme si leur hauteur est inférieure à 1,80 mètre (art. R. 112-2 du Code de l'urbanisme, circulaire n° 90-80 du 12 novembre 1990). Un droit d'affouillement qu'il faut acquérir en bonne et due forme auprès de la copropriété, en tant qu elle possède le sol de l'immeuble. L'assemblée générale doit, là encore, se prononcer à la majorité de l'article 26. Le recours à un professionnel du bâtiment est ici réellement indispensable, afin de ne pas risquer de mettre en péril la structure de l'immeuble. «Il faut prendre garde de ne pas affouiller le long des murs et à proximité des fondations. Autrement dit, de malmener les bulbes de pression qui compriment et donc maintiennent le sol sous l'effet des charges apportées par ces superstructures». L’avis du professionnel sur la faisabilité de l'opération et les conditions techniques de sa réalisation facilitera sans aucun doute la prise de décision de l'assemblée. Si l'aménagement du sous-sol moyennant son affouillement est un préalable à l'acquisition d'un bien, cet avis doit être sollicité avant même la signature de la promesse de vente, et au plus tard dans le délai de sept jours accordé au signataire pour se rétracter. Et en cas d’avis contraire, ne pas hésiter à renoncer. Tel ce candidat à l'acquisition, séduit par une ancienne usine réhabilitée et transformée en immeuble soumis au régime de la copropriété. Il a fini par abandonner son projet, sur les conseils d'un architecte, seul le premier niveau s'avérant exploitable pour l'habitation.
Troisième cas de figure: la réunion des lots, superposés ou contigus en sous- sol, implique des travaux sur un mur porteur. Si le propriétaire peut librement supprimer ou percer une simple cloison, il n'en va pas de même d'un plancher ou d'un mur de refend (perpendiculaire aux façades). Ils sont considérés comme des parties communes, car constitutifs du gros oeuvre et participant à la stabilité et à la résistance de l'immeuble. Percement d’une trémie pour installer un escalier reliant rez-de-chaussée et sous-sol ou travaux permettant le passage de canalisations,... ces opérations doivent être autorisées par l'assemblée générale des copropriétaires, à la majorité de l'article 25. L'assemblée peut subordonner son autorisation à la surveillance des travaux par l'architecte de l'immeuble. Les honoraires de ce dernier seront alors à la charge du propriétaire initiateur du projet. De même que la souscription d'une assurance dommages-ouvrage, incontournable dès lors que les travaux touchent à l'ossature de l’immeuble. Car le propriétaire risquerait d'être tenu pour responsable des affaissements et dégradations occasionnés par ces travaux. En pratique, cette garantie est rarement souscrite. La difficulté de trouver un assureur dans le domaine de la rénovation, ajoutée au poids de la prime d'assurance, disproportionnée par rapport à l'ampleur des travaux, achèvent de décourager le propriétaire. Mais faire l'impasse sur une telle garantie, c'est prendre un gros risque face à une copropriété qui ne manquerait pas de se retourner contre l'auteur du projet en cas de sinistre.
Une fois en possession de toutes les autorisations requises de la copropriété, les travaux d'aménagement de la cave doivent encore, le cas échéant, être autorisés par l'autorité administrative. Depuis la réforme du permis de construire entrée en vigueur le 1er octobre dernier, les annexes à aménager (en l'occurrence la cave) étant réputées de même destination que la construction principale, les travaux d'aménagement d'une cave en lieu de vie nécessitent une simple déclaration préalable. Sauf s'ils modifient les structures porteuses, ou la façade. Traduction: si ces travaux touchent, par exemple, aux murs porteurs, ou s'ils impliquent le percement, voire l’agrandissement, d’une ouverture en façade, un permis de construire sera nécessaire. Par ailleurs, s'agissant de créer un niveau supplémentaire en sous-sol, une déclaration préalable suffit, dès lors que cette surface ne dépasse pas 20 m2 de Shob (surface hors oeuvre brute). Au-delà, un permis de construire est nécessaire.
Il faut noter que le dossier sera normalement transmis par les services d'urbanisme à l'administration fiscale, qui recalculera en conséquence les montants de taxe foncière et d'habitation... Un coût à intégrer